Problématique

La santé et le bien-être des hommes soulèvent des enjeux sociaux importants, notamment en matière de dépression, de détresse psychologique et de suicide. À ce chapitre, la situation des agriculteurs est particulièrement préoccupante. Les recherches antérieures se sont surtout intéressées aux facteurs de risque, mettant en lumière l’influence de la masculinité traditionnelle sur la valorisation du travail acharné, l’autonomie à outrance, de même que la stigmatisation des problèmes de santé mentale et la demande d’aide à cet effet. Toutefois, les facteurs de protection et de promotion de la santé demeurent, eux, encore méconnus. Ce projet vise à mieux comprendre ce qui génère la santé et le bien-être chez les agriculteurs.

Les communautés agricoles traversent des périodes difficiles qui affectent la santé mentale des agriculteurs. Ces derniers présentent des taux de détresse psychologique et d’idéation suicidaire deux fois plus élevés que la moyenne provinciale. Dans une vision écosystémique, il est possible de relever des facteurs de risque comme les crises économiques, les accords commerciaux défavorables aux agriculteurs d’ici, les tensions entre voisins, les transferts de ferme difficiles, les maladies animales, la surcharge de travail, l’isolement social, le manque de relève et la dévalorisation de l’agriculture. Ainsi, les facteurs de risque font l’objet d’une attention soutenue. Par contre, la promotion de la santé demeure encore peu explorée, bien qu’elle soit nécessaire pour mieux comprendre le continuum entre la maladie et la santé. La question de recherche est donc : qu’est-ce qui génère la santé mentale positive chez les agriculteurs ? Un intérêt particulier est posé sur les éléments de la masculinité qui soutiennent la santé mentale positive.

Méthodologie

Ce projet a sollicité la participation du milieu agricole à toutes les étapes. La recherche devient alors un levier de réappropriation du pouvoir d’agir (empowerment) du groupe concerné. Afin de répondre à la question de recherche, la méthode qualitative Photovoice est retenue. Au moyen de photographies prises par les participants, ces derniers amorcent une réflexion et une discussion sur leurs motivations, leur soutien social, leurs forces personnelles et environnementales, etc. La pertinence de cette méthode est reconnue pour aborder des thèmes sensibles ou pour travailler avec des hommes plus traditionnels, peu habitués à verbaliser leur vécu. Une analyse de contenu fera ressortir la dimension de genre et l’interaction avec d’autres déterminants sociaux de la santé.

Le recrutement en ligne a permis de rassembler 31 agriculteurs québécois, répartis dans six groupes de discussion qui se sont rencontrés à deux reprises chacun. Afin d’assurer une diversité d’expériences et de points de vue, nous avons formé un groupe avec des agriculteurs anglophones (n=5) et deux groupes avec des agriculteurs gais (n=7). Les groupes de discussion étaient animés par Philippe Roy, chercheur et Bruno Letendre, agriculteur. Cette coanimation a permis de créer un environnement sécuritaire dans lequel les participants se sont confiés sur les motivations et les défis qu’ils vivent en agriculture.

Retombées attendues

Les retombées attendues sont de mieux comprendre comment les agriculteurs s’adaptent aux défis et aux conditions adverses de façon à maintenir et promouvoir une santé mentale positive. La présente galerie virtuelle permet de diffuser les résultats pour l’ensemble de la population. Les résultats feront l’objet d’une analyse basée sur la socialisation masculine en contexte agricole. Le tout sera partagé auprès des professionnel.les de l’intervention psychosociale auprès des agriculteurs et auprès du milieu scientifique par des publications et conférences. Des étudiant.es sont intégrés à l’ensemble du projet et peuvent se familiariser avec cette méthode originale, de même qu’avec le transfert et la diffusion des connaissances.


Présentation du chercheur

Philippe Roy, Ph.D est professeur agrégé à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke. Ses intérêts de recherche et d’enseignement couvrent la promotion de la santé mentale, les dimensions de sexe et de genre et plus particulièrement des masculinités, le travail social en milieu rural et auprès des communautés autochtones. Il s’implique à l’Institut universitaire de première ligne en santé et services sociaux, axe Développement des communautés, au Pôle d’expertise et de recherche en santé et bien-être des hommes et au réseau de spécialistes en matière de sexe et de genre de l’Institut de la santé des femmes et des hommes. Il est également formateur accrédité pour la formation Intervenir auprès des hommes.


Comité d’encadrement de la recherche partenariale & collaborateurs